C’était un programme excitant: je devais participer au projet pédagogique des Archives historiques de l’Union européenne à Florence. Deux débats, rien que cela, avec les étudiants et les élèves, sur mon expérience concrète en tant que députée au Parlement européen, sur des thèmes d’actualité spécialement choisis pour l’occasion tels que le Brexit, les migrations, la montée des mouvements nationalistes dans (presque) toute l’Europe ainsi que sur l’avenir de l’intégration européenne.
Tout cela qui plus est à la veille des élections en Italie. J’étais bien décidée à donner le meilleur de moi-même pour montrer qu’une Union européenne solide, unie et attachée à la paix est la seule option possible face aux défis croissants de notre environnement mondialisé. Malheureusement, mère Nature a balayé ces intentions. Dans la nuit précédant le 1er mars, Florence a été ensevelie sous la neige, ce qui a paralysé l’ensemble de la vie publique. Toutes les écoles, institutions et universités ont été fermées. Les bus et les trains ne circulaient que sporadiquement. La conséquence regrettable de cet événement, c’est que mes deux débats sont littéralement tombés à l’eau.
Heureusement, j’ai quand même pu visiter les Archives historiques et me rendre compte de mes propres yeux des efforts accomplis et de l’implication des personnes qui y travaillent. Je dois avouer que jusqu’alors, je ne m’étais jamais intéressée en profondeur à leur travail. Ce n’en fut que plus impressionnant de pouvoir parcourir les anciens documents et de me trouver ainsi directement «confrontée» aux actes et personnes qui ont été les témoins de l’histoire européenne. Nombres d’entre eux sont déjà tombés dans l’oubli, beaucoup sont considérés comme des évidences.
On ne mesure pas combien il est heureux que, dès cette époque, on ait estimé que la conservation et la préparation des documents était indispensable, pour nous-mêmes mais aussi pour les générations futures. Ils rendent compte des motivations, des instants émouvants, des espérances, du souvenir des personnes qui ont construit, combattu mais aussi souffert pour doter l’Europe d’un avenir commun, pacifique et respectueux. Une visite sur place est vivement recommandée aux chercheurs, journalistes et historiens pour leurs recherches. Ce séjour à Florence a également été l’occasion de mettre mes souvenirs et mon expérience de députée européenne à contribution pour faire aboutir le projet «Histoire orale».
Sous l’égide de l’Institut universitaire européen (IUE) et en coopération avec les Archives historiques et le centre de recherche De Gasperi, un petit groupe d’anciens fonctionnaires du Parlement, coordonné par Alfredo De Feo, souhaite constituer un recueil de témoignages représentatifs directs susceptibles de présenter l’histoire du Parlement de manière plus personnelle, plus vivante et plus détaillée. Plus de 100 anciens députés ont déjà accepté de participer. Le résultat devrait paraître dans un livre avant les prochaines élections de 2019, 40 ans exactement après les premières élections directes du Parlement européen. Il faut espérer que les obstacles qui subsistent disparaîtront, que de nombreux anciens du Parlement enrichiront le projet de leur précieuse expérience et que les soutiens nécessaires seront accordés.
Je suis certaine qu’une analyse approfondie, des succès rencontrés au fil des ans, mais aussi des lacunes qui persistent, pourrait apporter beaucoup aux futurs travaux du Parlement européen. Son renforcement et la poursuite de sa démocratisation sont un souhait formulé de longue date par la famille des nations européennes. Même si à Florence, je n’ai pu discuter de vive voix avec les jeunes de l’actualité et de l’avenir de notre projet européen commun, j’en garde cet enseignement: Il est primordial de travailler de concert pour poursuivre ce que nos prédécesseurs ont commencé il y a plus de 70 ans, conformément à l’adage: seul celui qui prend conscience de son passé peut avoir le coeur ouvert au présent et à l’avenir.