Rapport de mission
Pendant notre visite d’étude, le sujet abordé le plus souvent a été la corruption. Généralement, elle est considérée comme un phénomène largement répandu qui sape l’évolution démocratique et économique du pays. Dans l’index établi par Transparency international sur la corruption, le Kosovo n’occupe que la 105e place. Dans le rapport que la commission a publié récemment sur l’avancement du pays, elle indique que la mise en œuvre de la stratégie et du plan anti-corruption ne donne pas les résultats escomptés en raison de la faiblesse du soutien politique. Il est frappant que l’ensemble des dirigeants des cinq plus grands partis nous ont justement affirmé qu’ils soutenaient ouvertement la lutte efficace contre ce phénomène. La faute en revenait toujours aux autres. Les partis d’opposition, qui souhaitent aujourd’hui prendre le pouvoir, ont accusé les partis au gouvernement de passivité, voire, pire, d’être très actifs en matière de corruption. c’est surtout, selon eux, dans la construction que des ministres astucieux peuvent joliment arrondir leurs fins de mois. Ainsi, une autoroute a été construite pour plus d’un milliard d’euros, alors qu’en réalité, elle a coûté moins de la moitié.
Pour la majorité albanaise, la route menant de Priština à Tirana revêtait une grande valeur symbolique, et le gouvernement était donc d’avis qu’il ne fallait pas ergoter à ce sujet. Après la visite du ministre des transports à Washington, l’ambassadeur des États-Unis est parvenu à obtenir de lui que le marché soit attribué à une entreprise américaine. cet ambassadeur occupe désormais une fonction de haut niveau dans cette entreprise. Selon les représentants d’ONG et du monde professionnel, toute la classe politique, qu’elle soit au pouvoir ou dans l’opposition, ne voit aucun inconvénient à améliorer sa faible rémunération par des activités informelles. Le président du conseil chargé des investissements étrangers, un marchand de pétrole grec qui a fait fortune, nous racontait qu’il ne participait jamais aux appels d’offres parce qu’ils se déroulent toujours sur fond de corruption.
Son entreprise, qui s’est toujours tenue à l’écart de la corruption, a néanmoins fait d’excellentes affaires au Kosovo. Lorsque je lui ai demandé comment il s’y prenait, il a répondu qu’il pouvait convaincre ses clients avec des arguments strictement objectifs: ce sont les paroles, et non les portefeuilles, qui comptent.
Les services de l’administration nous ont également communiqué que la lutte contre la corruption était absolument prioritaire dans l’édification de l’état de droit. en revanche, les serviteurs de l’État ont tenu à souligner que la corruption fait partie de la culture dans l’ensemble des Balkans et n’est donc pas un problème propre au Kosovo. De même, elle est difficile à éradiquer dans un pays pauvre où de nombreuses lois ne sont pas encore mises en œuvre et où l’appareil judiciaire est en train d’être mis en place sous la direction d’eULeX.
Une délégation restreinte s’est également entretenue avec les dirigeants du Parti de l’autodétermination, un parti albanais très nationaliste. L’un d’entre eux est maire de Priština. il s’est montré comme adversaire résolu des corrupteurs. Sa sécurité est en jeu. Le journal britannique The Guardian l’a qualifié de ‘maire le plus courageux du monde’. Son parti est partisan de l’annexion du Kosovo à l’Albanie et souhaite organiser un référendum à ce sujet. en ce qui concerne la corruption, cela ne ferait pas vraiment avancer les choses au Kosovo. en effet, l’Albanie est encore moins bien placée sur la liste des pays minés par la corruption. (116).
Le Kosovo a encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir adhérer à l’Union européenne. S’il veut atteindre son objectif, il devra avant tout supprimer l’obstacle que constitue la corruption. il ne suffit pas, et de loin, d’avoir un seul maire courageux. L ’ensemble de la classe politique doit se regarder dans la glace.
Bob van den BOS, aLdE, Pays-bas (1999-2004)