Journée de l'Europe : 70 ans de la déclaration Schuman.
En l’honneur de la Journée de l’Europe, Hans-Gert Pöttering, ancien président du Parlement européen et président de l’Association des anciens députés européens (FMA), a écrit un article sur la signification actuelle de la déclaration faite par le ministre français des affaires étrangères Robert Schuman il y a 70 ans, le 9 mai 1950, établissant une Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).
Les propositions visionnaires de Robert Schuman marquent le début du processus d’intégration européenne. Sans elles, l’Union européenne (UE) d’aujourd’hui n’existerait pas. En surface, ces propositions concernaient les instruments de la puissance économique – le charbon et l’acier – qui étaient auparavant les matières premières nécessaires pour faire la guerre. Pourtant, les idées de Robert Schuman reposaient sur des idéaux : la foi dans la réconciliation après les ravages de la Seconde Guerre mondiale, qui a vu l’Europe regarder l’abîme, l’espoir d’un ordre juridique européen fondé sur les libertés, le désir de coopération et d’action commune, et l’aspiration à la paix et à la solidarité entre les peuples d’Europe. Et c’est encore le défi que nous devons relever aujourd’hui. Nous avons accompli beaucoup de choses, mais l’intégration européenne est toujours menacée. De nouvelles tâches nous attendent désormais. De nouvelles étapes vers l’unité européenne ont toujours été franchies en résolvant des problèmes spécifiques. Notre expérience de la pandémie de coronavirus nous a appris qu’à l’avenir, nous devons trouver un cadre réglementaire commun au niveau de l’UE pour faire face à de telles crises, afin d’exclure les mesures nationales unilatérales ( !), telles que la fermeture des frontières. Les mesures prises aux niveaux européen, national et local doivent se compléter. Surtout, les barrières ne doivent pas se former dans l’esprit des Européens.
Malgré tout cela, nous avons ici l’occasion de montrer ce que l’Union européenne représente réellement. Le fait que le gouvernement communiste de Pékin n’ait pas signalé l’épidémie de coronavirus à Wuhan a contribué à la propagation dévastatrice de la pandémie. Cela souligne la valeur de notre société libérale et ouverte. Ce ne sont pas les régimes autoritaires ou totalitaires qui sont les mieux placés pour faire face aux défis difficiles ; non, une société libérale et ouverte qui est engagée dans la vérité peut offrir la réponse la plus efficace. Se souvenir de Robert Schuman nous enseigne que nous devons défendre nos valeurs : la dignité humaine, la liberté, la démocratie, la justice et la paix. Et ces valeurs doivent être protégées, tant au sein de l’Union que dans nos relations avec le reste du monde. La mondialisation a besoin d’un ensemble de règles. Nous ne devons pas permettre que l’Europe soit bradée, ni sur le plan moral ni sur le plan matériel.
L’Union européenne est une communauté de droit. Les divergences d’opinion et les conflits sont résolus par la discussion et la négociation sur la base des traités sur lesquels l’UE est fondée. Le processus est souvent difficile, fastidieux et long. Mais il se fait de manière pacifique. Et c’est un nouveau développement dans l’histoire de l’Europe. La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) à Luxembourg a le dernier mot sur les divergences d’opinion et les litiges. Ses décisions doivent être respectées et exécutées. Cette pierre angulaire de l’unité européenne doit être résolument défendue. Car la force n’a pas raison : le pouvoir découle du droit. Le droit assure la paix pour nous, Européens, au sein de l’Union européenne.
L’Union européenne n’est pas parfaite, mais elle ne peut pas être le bouc émissaire lorsque les choses tournent mal. D’une part, on attend de plus en plus d’elle et, d’autre part, les États membres lui refusent les ressources financières dont elle a besoin. Les discussions sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 sont l’occasion de remédier à cet état de fait. L’UE doit agir dans un esprit de solidarité, comme elle le fait actuellement en réponse à la pandémie de coronavirus, même si elle a connu quelques difficultés initiales. Il est juste qu’il y ait une discussion sur les instruments à utiliser. Et il faut également préciser que, si un État membre ne peut résoudre seul un problème (comme dans le cas des migrations), il appartient à l’Union européenne dans son ensemble de le traiter dans un esprit de solidarité.
L’Union européenne n’est pas un paradis sur terre. Mais lorsque nous regardons le monde, nous pouvons voir qu’il s’agit d’une communauté privilégiée d’États, de peuples et de citoyens. Et nous devons remercier Robert Schuman, entre autres, pour le fait que nous soyons privilégiés. Notre tâche consiste à être à la hauteur de ses idéaux, aujourd’hui et à l’avenir.
Hans Gert Pöttering
Président de l’AAD